Société de musique «Orphéon» – 12 août 1928, devant la Cour d’appel de Colmar
À partir de la deuxième moitié du 20e siècle et grâce à la convergence de plusieurs facteurs, le phénomène des orphéons (fanfares, harmonies) se développe considérablement. Il est le reflet des progrès de l’industrialisation, une vitrine de l’éducation, de la « moralisation » du peuple, qui a désormais accès aux bienfaits de la musique.
D’autre part, l’amélioration des techniques permet aux facteurs de mettre au point des instruments plus performants et plus accessibles, et les politiques nationales encouragent la création d’harmonies, encadrées de très près par les industriels. Bientôt, villes et villages résonnent au son des instruments à vent, les kiosques se multiplient, la musique rythme les cérémonies et les manifestations publiques.
Colmar profite également de cette vague de création qui fera naitre l’Harmonie
« Fanfare de Colmar » (Bresch) en 1867, suivie par « l’Harmonie Saint-Martin » en 1886, et la Société de musique « Orphéon » en 1890.
Extrait des Dernières nouvelles du Haut-Rhin, 1963
Les deux sociétés colmariennes qui viennent de fusionner afin de redonner une vigueur nouvelle à la musique populaire colmarienne, sont toutes deux riches d’un passé qui s’étend de la fin du 19ème siècle à nos jours.
La fanfare « Bresch », ou plus exactement, « l’Harmonie fanfare de Colmar », fut créée en 1867. Dix ans plus tard, elle fut dissoute par les Allemands, ainsi d’ailleurs que toutes les sociétés d’Alsace. En 1890 M. Bresch reforma la société et en assuma la direction jusqu’à sa mort, en 1902. En souvenir de ce dynamique président, la société fut baptisée « Harmonie fanfare Bresch ». Elle connut de brillants succès, à Paris, Nancy, Genève. En 1948, M. Edmond Borocco prit la présidence, succédant à M. Bronner.
« L’Harmonie Orphéon» fut créée en 1890. Lors des deux guerres mondiales, son histoire fut semblable à celle des autres sociétés de musiques : dissoute une première fois, elle fut reformée après 1918 sous la présidence de M. Boetsch. Elle remporta de nombreux prix aux concours de Paris, Bâle, Vienne et Strasbourg. En 1945, M. Albrecht en assuma la présidence, puis M. Hickenbick lui succéda.
Avant la fusion, la composition des deux comités était la suivante: Fanfare « Bresch »: président : M. Borocco, vice- président: M. Joseph Kennel, secrétaire; M. Marcel Higelin, trésorier: M. Emile Mercier, directeur de musique : M. Ernest Lorenz (qui avait succédé à M. Willy van Dorsealer).
«Orpheon»: président: M. Raymond Hickenbick, vice-président: M. Willy Schreiber, secrétaire: M. Paul Schubel, trésorier: M. Joseph Christen, directeur de musique: M. Albert Zeh.
« L’Harmonie colmarienne » a déjà un président: M. Edmond Borocco, député, ancien président de la fanfare « Bresch ». M. Borocco sera assisté des deux comités des sociétés ayant fusionné.
Au cours de la réunion constitutive de lundi dernier, le nouveau président souligna que la fusion était le fruit d’une « évolution inéluctable ». Elle doit permettre de faire face à la crise de recrutement que connaissent toutes les sociétés de musique. Le président estima que le noyau de jeunes, encadré par les anciens, justifiait l’effort d’une fusion. M. Borocco remercia les anciens membres des deux sociétés dissoutes pour leur compréhension qui permit de résoudre le problème de la fusion. Il rendit de même hommage aux pionniers à présent disparus, de la musique populaire colmarienne.
M. Zeh, professeur au conservatoire, directeur de musique de la nouvelle société, insista sur la nécessité de cette fusion : Elle permet aux vrais musiciens, à tous les idéalistes, de se retrouver pour le bien de la musique populaire colmarienne. L’Harmonie colmarienne dispose de 40 à 45 musiciens jeunes et anciens. Tout en poursuivant l’étude de la musique classique populaire, M. Zeh compte inclure du moderne dans les répertoires. C’est ainsi que les musiciens joueront du Greeg, du Rossini, du Verdi, du Wagner et du Darling.
Les répétitions se dérouleront le jeudi soir dans une salle de l’usine Berglas Kiener. Tous les jeunes, sans distinction, sont cordialement invités.
Le premier concert de l’Harmonie colmarienne sera donné aux Catherinettes le 11 novembre prochain en matinée. La chorale des UMC, la chorale mixte d’Ostheim, toutes deux dirigées par M. Frédéric Bernard, et la « Mandola », y participeront.
Les Colmariens ne manqueront pas d’y assister afin d’encourager par leur présence cette nouvelle société colmarienne qui s’efforce d’assurer l’avenir de la musique populaire dans notre ville.
Il naît des sports nouveaux, il naît des loisirs nouveaux. La vie moderne, plus précipitée, offre des distractions à sa mesure, qui portent son cachet, qui s’adaptent à ses exigences. De moins en moins l’homme peut se consacrer à une étude longue et difficile comme celle de la musique, par exemple. En semaine le travail l’occupe de trop, soi-disant, et le dimanche il prend sa voiture pour fuir la ville. Il « nourrit » ses nerfs, plutôt qu’il ne les calme, de télévision, de cinéma.
C’est ainsi que la musique populaire, du fait de l’évolution du mode de vie, a perdu beaucoup de ses adhérents. Beaucoup aussi sont attirés par la musique moderne ou le jazz. Pour deux des plus anciennes sociétés de Colmar, « l’Orphéon » et la fanfare « Bresch » le problème devenait crucial. En 1955 pour la première fois, les dirigeants de ces deux sociétés envisagèrent une fusion. Entreprise délicate, pleine d’aléas. Les discussions n’aboutirent point. Le projet fut mis en veilleuse. Puis, brusquement, au début de cette année, une solution se fit jour: d’une part la fanfare « Bresch » perdit son directeur de musique et d’autre part le président de « l’Orphéon » se vit contraint de renoncer à ses fonctions par suite de ses charges professionnelles.
La fusion était possible. Elle est effective depuis lundi soir. Les comités respectifs se sont groupés pour former une nouvelle société de musique populaire : « l’Harmonie colmarienne ».
Durant les années 1960, l’Harmonie Colmarienne se produit lors d’un grand concert le 11 novembre de chaque année à la Salle des Catherinettes de Colmar. Durant chaque saison, elle organise et participe à des matinées musicales, des bals et des concerts partagés avec les ensembles musicaux et vocaux de Colmar et sa région.
En 1974, Robert Pferzel, déjà très impliqué dans l’association en tant que vice-président, reprend la présidence de l’association, succédant à Edmond Borroco. En 1978, l’Harmonie sera invitée à l’émission des Musiciens du soir de Serge Kaufmann le samedi après-midi sur TF1.
« Enregistrée sous le Marché Couvert, dans le cadre pittoresque du Vieux Colmar, cette Harmonie centenaire a su renouveler son répertoire, sous la direction énergique et bienveillante d’Albert Zeh, qui a pu parvenir à ce but en particulier, par le groupe junior particulièrement brillant et dynamique »
Le commentaire de Serge Kaufmann sur l’Harmonie Colmarienne est excellent tout comme la musique que cet ensemble, dont la moyenne d’âge est de 25 ans, produit.
Depuis sa création, l’Harmonie Colmarienne compte de plus en plus de jeunes issus de l’école nationale de musique (Conservatoire de Colmar) et des villages environnant. En 1980, l’ensemble compte 65 musiciens de 11 à 83 ans. L’association incite notamment les jeunes en leur prêtant un instrument le temps de leurs études musicales, en contrepartie d’une présence dans ses rangs, un échange de bons procédés !
En 1991, l’Harmonie colmarienne invite la Musique de la Police de Bâle pour un concert d’exception dans la salle des Catherinettes le dimanche 24 novembre. A cette époque, le prix d’entrée est de 50 francs.
En 1993, L’harmonie accueille la Société philharmonique de Maubeuge à Colmar. En 1995, l’Harmonie Colmarienne se rendra dans la ville du Nord aux côtés de 6 sociétés de musique.
La Musique de la force aérienne belge, les harmonies de Hondschoote, Trith Saint-Léger, Watten, Colmar et le brass band de Thudinie. Le concert démarrera par une marche interprétée par les 400 musiciens réunis sur scène. L’harmonie sera dirigée par Albert Zeh. Le lendemain, Thierry Schutzger dirigera l’ensemble des jeunes à l’Hôtel de ville de Maubeuge.
Pour ce concert l’Harmonie Colmarienne présentera :
Marche royale, Strauss
Chess, Anderson
Queen’s Park Melody, De Haan
Sinatra in concert
Maracuja concertino in Rhythm, Rhinon
En 1997, lors d’un concert en son hommage patronné par la Ville de Colmar, Albert Zeh laisse la baguette à un nouveau directeur issu des rangs de l’harmonie, le trompettiste Thierry Schutzger.
Au début des années 2000, l’Harmonie prendra ses quartiers dans l’Eglise Saint-Matthieu, lieu emblématique de Colmar qui accueille notamment le Festival international de musique.
En 2005, le président Robert Pfertzel, membre fondateur, est médaillé d’or de la Fédération des sociétés de musique d’Alsace pour ses près de 30 ans d’activités au sein de l’Harmonie Colmarienne. En 2007, il laisse sa place à Philippe Ballié, saxophoniste baryton au sein de l’orchestre. C’est notamment lui qui conduira la révision des statuts de l’association.
En 2009, après la démission du président, le jeune Jean-Baptiste Preiss devient président de l’Harmonie Colmarienne.
En 2012, l’Harmonie Colmarienne joue pour la première fois de la musique écrite pour elle, avec la commande passée à un de ses membres, Frédéric Unterfinger, compositeur et professeur de composition. Avec Fantaisie en deux mouvements pour trompette et orchestre, l’Harmonie franchit le pas de la création, en invitant le trompette solo de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrice Porté.
En 2014, l’église Saint-Matthieu accueille le compositeur Otto M Schwarz qui dirigera ses oeuvres lors d’un concert hommage proposé par l’Harmonie Colmarienne.
Recruté en 2015, Quentin Bussmann succèdera à Frédéric Unterfinger comme directeur adjoint en 2016, puis à Thierry Schutzger en 2017, devenant directeur de l’Harmonie Colmarienne.
Depuis 2017, sous l’impulsion de son nouveau directeur, l’Harmonie Colmarienne explore de nouveaux territoires, de nouvelles esthetiques :
- En 2017, l’ensemble se produit au Musée Unterlinden en proposant 4 créations originales autour du patrimoine alsacien.
- En 2018, l’Harmonie Colmarienne invite Etienne Bonaud, inventeur du Didjophone, en tant que soliste sur son instrument.
- En 2019, l’orchestre commande une oeuvre pour hautbois solo et orchestre à Frédéric Unterfinger, avec comme soliste Timothée Wurth, hautbois solo de l’Orchestre de la Garde républicaine. La même année, l’ensemble participe à la création du spectacle « La boite », aux Tanzmatten de Sélestat, création mêlant 4 harmonies, un choeur et des comédiens.
En 2020, malgré le confinement, l’Harmonie propose de nombreux contenus en ligne, dont la création d’un conte musical.
En 2022, l’Harmonie Colmarienne se produit pour la première fois au Théâtre municipal de Colmar avec un spectacle original en partenariat avec le CERAC et le Musée Bartholdi : Liberté, le grand voyage.
En 2021, Jean-Baptiste Preiss remet la présidence à Philippe Bentz.
En 2024, l’Harmonie Colmarienne fête ses 60 ans et invite la flutiste professionnelle Hélène Freyburger comme soliste, l’ensemble invitera également le Freiburger Blasorchester en 2ème partie de concert.
En 2025, l’orchestre créé un nouveau spectacle pour les 80 ans de la Libération de Colmar, en partenariat avec le CERAC et la Ville de Colmar. Ce spectacle « Libérer Colmar » s’est déroulé les 1er et 2 février 2025 au Théâtre municipal, c’est une fresque musicale et chorégraphique en 4 tableaux retraçant 25 ans d’histoire de l’entre-deux-guerres jusqu’à la Libération le 2 février 1945.